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2000
INSTITUT FRANCAIS, PIRAEUS
Retrospective

May 22 – June 30, 2000



Marcel Durand

Et, pareille à la chair de la femme, la rose...
Stéphane Mallarmé



Notre vision des choses en général, comme notre regard sur l'oeuvre d'art, n'est jamais pure. Elle n'est pas  une  simple  expérience  optique.  Et comme un clair de lune, selon le contemplateur ou l'observateur, le lieu où il se trouve, où il est né, son époque et de nombreux autres facteurs, est empreint de Verlaine, de Debussy, de Goethe, de Fauré, un tableau renvoie à une large étendue d'expériences visuelles (et pas seulement) et esthétiques (et pas forcément picturales). Entrer dans l'atelier de Georges Hadoulis, c'est un peu entrer dans un jardin (et de toute façon il n'y en a pas d'autres derrière les persien¬nes), mais c'est aussi, et peut-être avant tout, descendre ou monter les quelques marches du jardin de l'enfance entre les rosées matinales et la pluie de l'arrosoir de l'après-midi, se laisser enlever par un flot de souvenirs de grandes vacances, de greniers inondés de lumière par une fente des volets, de foins encore verts et fumants, de nappes à carreaux, de fontaines gargouillant sur la pierre moussue des bassins. Odeurs, couleurs, lectures aussi. Nous sommes dans  le jardin de Colette, en Provence avec Giono et Matisse, dans les îles avec Séféris et Elytis, nous remontons le cours de la Vivonne ... Le bouquet de fleurs se fond en un bouquet de mots et de couleurs. Car si ces fleurs sont belles et simples (la rose, l’ iris, le tournesol...) comme les bouquets que nos grands-mères posaient sur les rebords de fenêtres  (entre  cuisine  et jardin),  elles  sont  aussi  de savantes compositions de couleurs, des études de la lumière qui ne peuvent que, subrepticement, nous renvoyer à Monet et ses séries, à Van Gogh, à Bonnard... La peinture de Georges Hadoulis est l'image du bonheur, d'un bonheur éternel et sans nuage, celui des étés sans fin, des après-midi lourds où, étendus à l'ombre d'un arbre sur le gazon frais, l'air animé de mille vibrations d'insectes soûlés de soleil, le livre retombé le long du corps, des gouttes de lumière dansent sous les paupières closes et parfois dessinent dans la corolle d'un iris, l'ombre d'une femme...


Haris Kambouridis
Un Τam – Τam Pictural dans une Jungle de Couleurs

Βien qu'il n'en laisse rien paraître, Hadoulis est un peintre on ne peut moins étrange. II n'a rien à voir avec ces artistes dont les oeuvres, d'emblée, donnent à penser. Pourquoi ? C'est ce que je vais essayer d'expliquer. Les couleurs et les formes de ses tableaux sont repérables à dix mètres, et l’on se dit généralement: Laisse tomber, c'est des natures mortes, des bouquets de fleurs sur des tables basses, des intérieurs et des portraits.
Mais c'est au moment où on croit l'avoir définitivement classé dans les petits tiroirs des catégories esthétiques que l’on se rend compte que ses tableaux n'arrêtent pas de trépigner, que les rayures vont et viennent du premier plan au fond de la toile, comme s'ils n'avaient rien à voir avec la peinture classique aux thèmes connus et reconnaissables mais plutôt comme s'ils se rapprochaient de la peinture abstraite, de l’οp-art jouant avec l'œil du spectateur. Et donc, qu'on le veuille ou non, on est obligé de s'approcher.
Et de nouveau l'image change comme par magie. Les formes que l’on croyait avoir vues se décomposent. Les ciseaux, les fleurs, la nappe, les chaises s'écartent jusqu’à disparaître, comme si on avait devant soi une fresque agrandie à la loupe. II n'y a plus que des couleurs. La per¬spective elle aussi se dérobe. Des lignes à la dèrive prennent la place de l'ensemble organisé que l’on croyait voir de loin. De la couleur, de la couleur et rien d'autre, étalée par un pinceau saisi d'angoisse qui laboure le fond blanc en tout sens pour en faire un champ cultivé de couleurs. Mystère. S'agit-il ou non, finalement, d'une peinture conventionnelle, aux thèmes stéréotypés semblables à ceux qu'ont aimés Cézanne, Braque, Matisse, Tsarouchis, Fassianos? Je répondrais oui et non s'il fallait absolument donner une réponse. Hadoulis n'est qu'un pinceau imbibé de couleurs. Je ne l'ai pas vu à l’œuvre mais je l'imagine volontiers agiter la main comme s'il dansait.
" Finalement vous allez finir par nous dire qu'il fait de l'expressionnisme abstrait, de la peinture dynamique, du drip¬ping à Pollock." Comme si je pouvais le savoir! Ce qu'on peut constater en tout cas, c'est qu'il s'agit d'une écriture automatique, comme en auraient rêvé les surréalistes qui ont essayé de fusionner l'arrière plan psychologique avec le regard esthétique et la main tenant le pinceau, dans l'oubli de toute forme de logique.
Je vois le pinceau danser aux battements frénétiques du cœur de la jeunesse, sur un rythme primitif qu'aucun de nous ne voudrait entendre autrement, comme le tam-tam de la peinture qui métamorphose les choses de tous les jours en une jungle de couleurs vibrantes, chantantes et vigoureuses. Hadoulis, un peintre qui peint comme Tarzan !

Alekos Fassianos
Pinceau

Ηadoulis rend la sensation à travers le flot des couleurs. Le pinceau parcourt les corps, les paysages. Hadoulis a compris en profondeur le sens des choses. II n'a pas besoin de fioritures ni de remplir ses toiles pour se faire passer pour un peintre. II peint simplement, comme on écrit. II a une écriture qui lui est propre. C'est là que réside sa nouveauté. Son originalité, c'est de rendre autrement des choses vieilles comme le monde.
Que celui qui a des yeux pour voir voie.

Marcel Durand

 
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